Aller au contenu
Accueil » Les news » “Les chasseurs de drones de Maudet” – Tagesanzeiger

“Les chasseurs de drones de Maudet” – Tagesanzeiger

    Association FALCO

    Voici la traduction de l’article que vous pouvez lire dans sa version originale en cliquant ici

    Publié le 27/05/2018 – Pia Wertheimer

    Les aigles royaux devront à l’avenir abattre les drones volant illégalement dans le ciel de Genève.

    Le jeune magistrat et la majestueuse femelle aigle royal forment un couple improbable : pas le moindre de ses mouvements n’échappe à ses yeux ambrés. Taïga fixe son interlocuteur de manière scrutatrice, presque impérieuse. Le conseiller d’Etat genevois Pierre Maudet observe l’oiseau avec respect, presque sans assurance. L’aigle est perché sur son bras, la tête haute, les serres jaunes dans son gant de cuir. Taïga pèse quatre kilos, vaut plusieurs milliers de francs et est l’un des espoirs de Maudet lorsqu’il s’agit de la future défense contre les drones.

    Elle est arrivée en Suisse avec l’aigle mâle Altaïr il y a 9 mois. Ils avaient alors trois bons mois et étaient donc adultes. “Ils étaient en fait déjà un peu trop vieux lorsqu’ils sont arrivés chez nous”, explique Umberto Nassisi des pompiers de Genève. Les rapaces sont sa passion depuis 20 ans, et les deux jeunes prédateurs sont ses protégés. Idéalement, l’entraînement des rapaces devrait commencer dès l’âge de quatre semaines. “Il est alors plus facile de les habituer aux chaperons ou à la protection des captures”.

    Le fauconnier a établi les contacts avec les éleveurs pour le département de Maudet et entraîne les rapaces pour la capture des drones. Les deux oiseaux ont éclos en Allemagne et ont pris leur envol chez lui. “Nous avons choisi de ne pas avoir de frères et sœurs. Ainsi, nous minimisons le risque de maladies”, explique Nassisi. Mais l’homme a aussi pensé à l’avenir : “Qui sait, peut-être qu’un jour nous ferons de l’élevage avec eux”.

    Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit ce jour-là. Dans le cadre d’une conférence sur les drones au Stade de Genève, les deux aigles royaux se montrent pour la première fois. Altaïr porte un chaperon en cuir. Il va montrer ce qu’il a appris jusqu’à présent, il est tendu, n’aime guère se percher tranquillement sur le bras gauche de Nassisi, il picore sans cesse dans le gant de cuir. Le mâle est nettement plus petit que sa compagne. “Il est beaucoup plus agile en vol, mais elle a beaucoup plus de force”, explique le fauconnier. Lorsque Taïga referme ses serres, elle exerce une pression pouvant atteindre 250 kg/cm2.

    Entre-temps, la femelle est à nouveau assise sur le bras de la policière genevoise, qui suit une formation de fauconnier auprès d’Umberto Nassisi et qui caresse maintenant affectueusement son plumage brun. L’oiseau ne porte pas de chaperon, ce qui lui signale qu’il ne volera pas. Stoïque, Taïga observe les étrangers, laissant pendre ses ailes à moitié ouvertes, ses grandes plumes légèrement déployées. “Elle fait ça à cause de la chaleur, ça lui permet de se rafraîchir”, explique le fauconnier.

    Puis c’est le moment. Le cri strident d’Altaïr fait s’envoler en alerte les oiseaux sauvages qui s’étaient installés dans le stade. Le fauconnier lui a retiré son chaperon. L’aigle secoue la tête, saisit instantanément la situation : à l’autre bout du terrain se trouve la policière. Elle tend le bras. Altaïr ne bronche pas, pousse, passe à quelques centimètres de la pelouse. Les rémiges, courbées vers le haut, touchent presque l’herbe – c’est ainsi que l’on appelle les puissantes plumes extérieures de ses ailes. L’aigle évalue l’environnement. Il ralentit. En deux coups d’ailes puissants, il prend l’altitude nécessaire et se pose sur le gant de la policière.

    Elle lui a donné le nom de l’étoile la plus brillante de la constellation de l’Aigle et le récompense maintenant avec une bouchée de viande. En fait, il faudrait maintenant repartir, mais l’attention d’Altaïr ne se porte plus sur son fauconnier, qui crie, le bras tendu, de l’autre côté du stade. Il a repéré une “proie” : Ses yeux fixent des drones posés dans l’herbe à quelques mètres de là pour une autre manifestation. Il hésite.

    Des rapaces conditionnés au plastique

    Pendant des mois, Nassisi et la policière ont déjà entraîné les deux aigles royaux à considérer les engins volants comme leurs proies. Les oiseaux reçoivent toujours leur nourriture d’un boîtier de drone qu’ils attrapent quand ils sont lancés l’air. “Nous les conditionnons au plastique pour qu’ils se détournent des proies vivantes, sans pour autant perdre leur instinct de chasseur”, explique le fauconnier. L’avenir nous dira si nous y parviendrons. L’avenir de l’expérience genevoise en dépend toutefois en partie. Même si pour le conseiller d’Etat Maudet, les choses sont claires : A Genève, les aigles doivent être bien plus que des animaux emblématiques. Il veut qu’ils viennent bientôt chercher dans le ciel les drones qui se déplacent illégalement.

    Mais les autorisations nécessaires des services vétérinaires cantonaux et fédéraux ne sont pas encore disponibles. Maudet se montre confiant à ce sujet. “Nous sommes les premiers à tenter une telle chose, tout prend donc un peu plus de temps”. Il ne se laisse pas non plus déconcerter par l’abandon d’un projet similaire aux Pays-Bas. Maudet s’inspire plutôt de la France, où un projet similaire est en cours depuis deux ans : L’armée de l’air a fait l’acquisition de plusieurs rapaces et les entraîne à la lutte contre les drones.

    Altaïr est encore indécis : un drone ou la récompense dans la main de son fauconnier ? L’aigle ouvre ses ailes, décolle, il a mis le cap sur Nassisi, plane en criant devant Pierre Maudet, qui regarde fièrement “son” aigle.

    Laisser un commentaire

    Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *